Des nouvelles de Simon Mignet, envoyé en mission pour l’Œuvre d’Orient en Arménie
Être missionnaire même au stade !
Je souhaite vous faire partager ce moment de joie qui résume mon ressenti et la richesse de ma mission durant ces trois premiers mois : entre partage, solidarité, fraternité, amour de l’autre, espérance, persévérance et confiance. « Ensemble tout devient possible ! »
Mercredi soir 31 mars, l’effervescence du stade Hanrapetakan m’appelle.
Après deux victoires en deux matchs en qualification pour la coupe du monde de football, les rouges et bleu marine du capitaine Henrikh Mkhitarian rencontrent la Roumanie de l’ancien nantais Ciprian Tatarusanu. La mission est rude pour l’équipe d’Arménie fondée en 1992, et classée 99ème mondiale FIFA.
Les projecteurs du stade éclairent la capitale Erevan, tout un peuple derrière son équipe. Les drapeaux tricolores flottent fièrement, les tambours sonnent dans les quatre tribunes et font vibrer le stade, les masques tombent, et petits et grands exhortent à l’annonce de chaque joueur arménien par le speaker.
Au moment de l’hymne « Mer Hayrenik » (en français « notre patrie »), je porte haut les couleurs rouge bleu jaune avec mon poing sur le cœur. Le match commence, les supporters crient en boucle « Gnal Hayastan » …le 13ème homme est bien présent. Individuellement les roumains sont supérieurs mais l’esprit d’équipe et le combat collectif des joueurs arméniens permettent l’ouverture du score. Malheureusement ils se font surprendre sur un contre et les roumains parviennent à reprendre l’avantage.
Nous sommes à la 86ème minute, l’Arménie perd toujours 2-1…il reste 4 minutes.
Le stade pousse toujours, y croit et garde confiance. Les joueurs ne lâchent rien et crachent leur poumons sur le terrain. Une minute plus tard, un tir anodin vient percer les filets roumains… l’exploit est en marche, le stade est en feu, les fumigènes et les pétards sont allumés, rien ne peut freiner la force collective ! Les roumains réengagent le jeu, puis quatre-vingts secondes plus tard l’arbitre siffle pénalty…le courage et la persévérance payent !
Tigran Barseghyan le met au fond ! Ils l’ont fait !!! Quel spectacle !
De plus, quelques heures plus tard, la Mannschaft de Joachim Löw perd contre la Macédoine du Nord.
Les aigles sont alors deuxièmes du classement du groupe G, l’Arménie est première.
« Victoire tu règneras, ô croix tu nous sauveras »
En effet, depuis trois mois, j’apprends à vivre en communauté au petit séminaire catholique les Saints Archanges à Kanaker-Zeytun, l’un des douze districts de la capitale Erevan, situé au Nord sur les hauteurs, à 1250 mètres d’altitude.
Non le sifflet de l’arbitre, mais la cloche rythme chaque activité de ma journée, du réveil au coucher. Quelle joie de commencer chaque journée par la Sainte messe !
J’ai eu la chance de vivre pleinement le carême. Pour préparer au mieux l’âme et le cœur, le rideau de l’autel était fermé du lundi des Cendres au dimanche des Rameaux. Quand la messe dure deux heures…le seul moyen pour suivre est le livret.
Les séminaristes ont également fait le choix durant ce carême de se priver de viande et de poisson durant ces quarante jours, midi et soir.
L’entrée triomphale de Jésus-Christ à Jérusalem le dimanche des Rameaux fut pour moi : une délivrance !
J’ai pu suivre une belle semaine sainte avec un programme digne d’une abbaye bénédictine ! Le respect de la liturgie est fantastique.
Par exemple, après la Sainte messe de la Cène, les Pères chantent toute la lecture de la Passion, jusqu’à tard dans la nuit…entre agenouillement et recueillement. Le vendredi saint lors de la célébration de la Croix…le Christ détaché de la croix, est allongé dans un cercueil entouré de roses bénies et est porté en procession…des larmes et une profonde émotion de tristesse se lisent sur chaque visage.
Se réveiller le lendemain matin avec un lever de soleil digne d’une renaissance, le grand ménage s’impose, les fleurs envahissent la chapelle, l’autel se pare de jaune doré…le contraste est flagrant, la vie va renaitre…les bourgeons se forment petit à petit. La veillée pascale à minuit nous libère…chaque famille rentre dans la chapelle avec un petit panier décoré avec des œufs et des fleurs.
Quelques Français sont présents, le Père Bedros nous fait l’honneur de traduire son homélie en anglais puis en français.
Après la messe chantée de Pâques (« Zatik » en arménien), une centaine d’œufs marrons-dorés
(cuits dans un bouillon de pelures d’oignon) sont bénis par le Père Mashdots. Le Christ est ressuscité : Alléluia !!! L’apéro s’impose ! Tous les fidèles se rassemblent pour un moment de convivialité où nous partageons le verre de l’amitié et dégustons les œufs.
Depuis un an, entre le covid et la guerre, la vie à Erevan était plus ou moins à l’arrêt mais depuis le jour de Pâques, l’eau jaillit des fontaines, les lumières illuminent l’opéra, la musique résonne.
Des groupes de musique ambiancent les bars, les pubs et les restaurants. Les terrasses sont recouvertes de vignes, de fleurs. Les arbres en bourgeons apportent douceur et tendresse. Les autels des églises sont très fleuris, chaque Arménien vient y déposer des dizaines de bougies pour sa famille, un frère mort au combat, ou une sœur partie étudier à l’étranger. Chaque soir, l’Opéra, situé sur la place de France, en plein centre, ouvre ses portes et accueille des représentations de spectacles lyriques ou de ballet, de haute qualité artistique.
La francophonie : une langue respectée et aimée au-dehors de ses frontières
En donnant des cours de français, je découvre à la fois la beauté de la langue et également la richesse de l’enseignement. Je suis ambassadeur mais également élève. Dès que je rencontre un chauffeur de taxi, un commerçant, un marcheur…ils veulent échanger avec moi, me montrent leur amour pour notre pays, notre langue et notre culture. Même les radios diffusent des musiques françaises, bien entendu Charles Aznavour mais la star actuelle est Gims !
Depuis une semaine, j’assiste au quatrième festival du cinéma francophone au cinéma Moscow. Je suis impressionné, chaque soir, la salle est bondée par des arméniennes et arméniens qui souhaitent approfondir leur niveau de français (déjà fort excellent) et prendre plaisir devant des chefs d’œuvres français, belges, suisses et québécois. Après la séance, le partage et les échanges sont riches, avec de belles rencontres.
Petit ou grand, fille ou garçon, séminariste ou étudiante, chaque cours de français est différent, chaque élève va à son rythme. Mais l’envie est la même : faire de son mieux ! Les séminaristes appréhendent chaque samedi matin. Ils subissent l’épreuve de l’évaluation écrite et orale.
A la fin de chaque cours, je leur raconte une petite période de l’histoire de France et leur fais découvrir chaque région, ville et culture à travers une vidéo. Ils sont tous tombés sous le charme de la Vendée…on se demande pourquoi !
Je vous transmets cette invitation du Père Renaud Bertrand, délégué diocésain et provincial de l’Œuvre d’Orient, « à l’occasion de la 4ème journée des Chrétiens d’Orient je vous invite à venir participer à une messe pour l’Arménie en la cathédrale de Luçon. Elle sera célébrée dans le rite arménien par Mgr KELEKIAN, Vicaire Général de l’Eparchie Arménienne catholique de France et Curé de la Cathédrale Ste Croix des Arméniens de Paris. »
Personnellement, je vous encourage fortement à vous unir à nos prières…de plus un 8 mai…jour de commémoration de nos soldats morts pour la France, et pour les très jeunes arméniens, parfois à peine majeurs, qui ont donné leur vie pour défendre la foi catholique-apostolique et la Sainte Arménie. Je vous assure que cela vaut vraiment le coup d’être réfractaire en franchissant 10 kilomètres, pour découvrir une belle liturgie ! De plus, l’Arménie et la Vendée ont une histoire commune : le génocide. Prions ensemble pour que le Christ protège nos deux saints pays chrétiens et la paix dans le monde !
Je vous embrasse les amis !
Vivat Iesus !
Simon